Réforme de la voie professionnelle : un « chef d’œuvre »…de destruction !

Le Ministre de l’Éducation Nationale a présenté le 28 mai 2018 des orientations pour « transformer le lycée professionnel ».

Après la réforme du BAC et la loi ORE, cette réforme de la voie professionnelle, impulsée par l’UIMM (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie – l’une des plus puissantes branches professionnelles et membre du MEDEF), s’inscrit dans une logique d’austérité du gouvernement.

Cette réforme vise à :

  • supprimer des milliers de postes de PLP ;
  • détruire la voie professionnelle sous statut scolaire ;
  • détruire le statut des PLP.

 

Sommaire

Des campus qui renforcent la présence du privé dans l’enseignement professionnel

La réforme de la voie professionnelle prend appui sur le développement des « Campus des métiers ».

Ces derniers regrouperont : des infrastructures culturelles et sportives, un internat, des établissements d’enseignement secondaire et supérieur (publics et privés) accueillant des jeunes du CAP à la licence professionnelle (et même jusqu’au doctorat), des centres techniques et de recherche, des organismes de formation (centre de formation d’apprentis, organismes de formation continue, Greta…), des entreprises partenaires, des FabLabs, des incubateurs et pépinières d’entreprises, un réseau d’établissements associés (publics et privés) proposant des formations à proximité du campus…

De ce fait, par la création de ces campus, le secteur privé prend un poids inédit dans l’enseignement professionnel.

A titre d’exemple : le 20 avril 2018, les collègues de Construction mécanique et de Chaudronnerie-Métallerie (Formations initiale et continue confondues) de l’académie ont été convoqués par leur inspecteur à une journée d’information sur les nouveaux programmes. Réunion en présence des DDFPT et de quelques chefs d’entreprises bretonnes durant laquelle les participants ont eu droit à une heure de visio-conférence avec la représentante du SNTC (Syndicat de la Chaudronnerie, de la Tuyauterie et de la Maintenance Industrielle), syndicat qui regroupe 147 entreprises importantes (Engie filiale d’Areva pour ne citer qu’elle). Enjouée et sans langue de bois, la représentante a annoncé que son syndicat, avec le soutien du Ministère de l’Education Nationale, avait concocté ces nouveaux programmes pour servir au mieux les intérêts de ces entreprises… Cerise sur le gâteau, ce syndicat patronal touche de la TA (Taxe d’Apprentissage) au nom de leur « mission de promotion des métiers » : en clair il reprend une partie de ce qu’il a dû verser !

Une seconde indifférenciée qui réduit le Bac-Pro à 2 ans

La réforme s’appuie également sur une Seconde de détermination. Sous couvert d’une orientation plus progressive, J.M. Blanquer crée une classe de seconde pro de détermination, organisée autour de « familles de métiers » présentant des compétences professionnelles dites « communes » à différentes spécialités du Bac-Pro.

Une quinzaine de familles sera proposée (métiers de l’aéronautique, métiers de la réalisation de produits mécaniques, métiers du numérique et de la transition énergétique, métiers du bois, etc…).

Cette seconde de détermination pose plusieurs problèmes :

  • Elle va réduire à 2 ans la formation à un métier. Rappelons que cette réforme fait déjà suite à la désastreuse réforme du Bac-Pro 3 ans (au lieu de 4 ans : 2 ans BEP + 2 ans Bac pro). Ce Bac-Pro 3 ans avait été responsable de la suppression d’1/4 des postes en LP.
  • Elle force les établissements qui ne disposeront pas de familles complètes à travailler en réseaux, avec toutes les complications logistiques que cela impliquera. Cette mise en réseau pourra d’ailleurs s’appliquer entre deux lycées, l’un public et l’autre privé.
  • Elle conduit à la disparition de Bacs Pros plus rares, qui ne s’inscrivent pas dans les familles créées.
  • Elle repose sur la fusion de certains Bacs Pros, et conduit ainsi la disparition de certaines spécialités.

A titre d’exemple : le ministère envisage un plan de reconversion forcée des PLP Eco-Gestion en Professeurs de Technologie, en Professeurs des Ecoles ou encore dans des fonctions administratives.

Une attaque portée contre le statut des PLP et la transformation des LP

Cette réforme s’inscrit dans le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui a pour objectif de transformer les LP en centres d’apprentissages, en y créant des unités de formation par apprentissage.

Il s’agit aussi, à moyen terme, de détruire le statut des PLP et de placer la voie professionnelle sous la coupe du patronat qui pourra décider des Référentiels d’Activités Professionnels, et créer de simples blocs de compétences locaux en lieu et place de diplômes nationaux. 

Mixité des publics et mixité des parcours

La mixité des publics (induite dans la mixité des parcours envisagée par la réforme) conduira à avoir dans une même structure classe des élèves relevant de la formation initiale et de la formation continue.

Cette nouvelle gouverne implique aussi qu’un élève en formation continue ou initiale puisse changer de statut scolaire en cours d’année scolaire ou de cycle.

Concrètement, pour les élèves, cela signifie se retrouver dans une classe sans continuité pédagogique puisque l’effectif sera fluctuant ; mais aussi se retrouver pour des élèves de 15 ans avec des « élèves » rémunérés pouvant avoir jusqu’à 30 ans puisque la loi permettrait l’apprentissage jusqu’à cet âge !

Pour les enseignants, il leur faudra gérer un public différencié qui n’aura ni les mêmes objectifs professionnels, ni les mêmes contraintes, ni les mêmes horaires, et qui intégreront ou quitteront la classe au gré des décisions des employeurs qui pourront dorénavant se débarrasser plus facilement de leurs apprentis !

Cela sera tout simplement anti-pédagogique pour les apprenants et ingérable pour les enseignants ! Il est évident que cette réforme aura des conséquences catastrophiques sur les conditions d’exercice de l’enseignant.

Car il faut rappeler que depuis le décret du 20 août 2014, en cas de complément de service, il faut l’accord du professeur de LP pour qu’il accepte d’enseigner dans une formation qui ne soit pas initiale. Or, l’apprentissage fait partie de la formation initiale, et, dans ce cas, l’accord des personnels n’est donc pas nécessaire. Un enseignant en sous-service ne pourrait donc pas refuser d’intervenir dans des CFA ou pour le GRETA pour compléter son service et tout cela à titre gratuit …

Réduction des heures et suppression de postes

Malgré l’avis défavorable du CSE (Conseil Supérieur de l’Education) le 10 octobre dernier, le ministère prévoit la mise en place d’une seule grille horaire pour les niveaux IV (Bac Pro) et V (CAP /BEP/ CFPA), ce qui annonce une perte considérable d’heures  et de postes dans les LP.

Sur un cycle de 3 ans, en heures profs :

  • perte de 60 heures en enseignement professionnel (co-intervention) ;
  • perte de 276 heures en enseignements généraux ;
  • perte de 152 heures en enseignements généraux liés à la spécialité.

Cette baisse des horaires est inacceptable. Elle ne vise qu’à supprimer des postes, et faire ainsi des coupes drastiques dans le budget de l’Éducation nationale, comme cela a été fait dans toutes les- dernières contre-réformes qui ont touché le secondaire (actuelle réforme du lycée général et technologique et réforme du collège de 2016).

Ces baisses des horaires et les suppressions de postes qui en découleront s’accompagneront d’une charge de travail accrue pour les enseignants (ceux qui resteront !), avec notamment la mise en place de la co-intervention, de l’AP ou du « chef d’œuvre ». Autant d’heures d’enseignement perdues pour un diplôme dévalorisé.

Pour toutes ces raisons…

Le SNFOLC de l’Académie de Rennes refuse…

  •  le mixage des parcours et le mixage des publics (formation initiale / formation continue) au sein d’une même classe ;
  •  la baisse des horaires disciplinaires ;
  •  le principe de « co-intervention » en enseignement professionnel, en Lettres et en Maths/Sciences, ainsi que les heures fléchées pour la consolidation de l’AP et de préparation à l’orientation. Ces deux dispositifs sont synonymes de destruction de l’enseignement  disciplinaire et de nouvelles pertes horaires ;
  • la mise en place de 2ndes « à famille de métiers » qui visent à faire des classes de 2nde Bac-Pro des classes préparatoires à l’apprentissage et donc à transformer l’actuel Bac-Pro en Bac-Pro 2 ans. L’examen s’en trouverait une nouvelle fois fortement dévalorisé ;
  • le mixage des temps de formation en CAP qui regrouperait des élèves de CAP en 1, 2 ou 3 ans dans une même classe, mixage dont l’objectif est de supprimer des heures disciplinaires donc des postes de professeurs ;
  • toute forme d’annualisation des services des PLP.

Le SNFOLC de l’Académie de Rennes revendique…

  • Le retour au Bac Pro 4 ans et aux grilles horaires qui y correspondaient (grilles antérieures à celle du Bac-Pro 3 ans généralisé en 2009) ;
  • Le retour à des dédoublements systématiques à compter du 25ème élève en bac pro ;
  • Le maintien du statut des PLP ;
  • L’abrogation de la réforme de la voie professionnelle.

Le SNFOLC de l’Académie de Rennes apporte tout son soutien aux personnels des établissements qui luttent contre la mise en place de l’expérimentation d’intégration d’apprentis dans les classes d’élèves sous statut scolaire.

Il appelle les Professeurs de Lycée et de Lycée Professionnel à se réunir au plus vite en heures d’information syndicale dans tous les établissements du département pour s’organiser et empêcher la mise en place de la réforme de la voie professionnelle.

Car plus que tout, il est temps de résister, revendiquer et reconquérir.

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